jeudi 11 février 2010

SOLIDAIRE : Capitalism : a love story :: Michael Moore attaque le mal à la racine

Capitalism : a love story :: Michael Moore attaque le mal à la racine

Le cinéaste Michaël Moore n'hésite pas à dénoncer les injustices. Chez la multinationale General Motors ou contre Bush et l'industrie pharmaceutique. Cette fois, avec son nouveau film Capitalism : a love story, il va au fond des choses et dénonce le système tout entier. Un film à ne pas manquer, selon Filip De Smet, syndicaliste et responsable du PTB.

Filip Desmet


Michael Moore et General Motors : ça ne deviendra jamais une love story. Dans ce film, comme dans Roger et moi, General Motors tient un rôle central. Celui d'une entreprise qui, pour faire du profit, est prête à ruiner une ville entière, un pays entier.

Des pilotes qui servent le café

L'Europe veut devenir comme les États-Unis, ou « mieux encore ». C'est elle-même qui le dit. Et elle s'y emploie depuis des années : moins de charges sociales, plus de flexibilité et de privatisations. Si vous voulez voir le résultat, vous devez vraiment voir ce film. Moore nous montre les États-Unis d'aujourd'hui, un pays où les bons emplois ont disparu, où, depuis Reagan, le capitalisme brutal a balayé les syndicats et des pans entiers de la sécurité sociale, où des pilotes d'avion doivent faire des boulots d'appoint comme serveurs pour s'en sortir. Indignée, une vieille dame lit une offre d'emploi pour candidate stripteaseuse. Sans sécurité sociale, pas le choix, il faut accepter tous ces emplois bidons.

Ils veulent faire du bénef' sur tout ! Les sociétés d'investissement spéculent même sur le décès prématuré des détenteurs d'une assurance vie. Le film raconte le scandale de la privatisation d'une prison pour jeunes en Pennsylvanie qui a payé des juges pour qu'ils fassent enfermer des jeunes pendant plusieurs mois pour des futilités.

Moore nous montre comment la famille Hacker est brutalement expulsée de sa maison. Et il cite le coupable nommément, dans le fil et dans chaque interview : « La cause de tout cela, c'est le capitalisme, ce système du profit, de la cupidité et de la concurrence. » Le film montre en un seul graphique comment le profit mène à la crise : depuis 1980, la productivité a augmenté de 45 % aux États-Unis, mais les salaires ont plus ou moins stagné. Qui, alors, va acheter toute cette masse de produits ? Soif de profit, concurrence aveugle, surproduction, licenciements, misère noire. Moore décortique le capitalisme jusqu'à la moelle.

Michael Moore et Bert De Graeve

Le lendemain de la première du film à Courtrai, Bert De Graeve passait à la radio, à la VRT. L'ancien boss de la VRT et actuel président du leader mondial de l'acier Bekaert venait d'être désigné manager de l'année. L'exemple type du directeur qui a su piloter sa boîte à travers la crise, a estimé le jury. Chaque année, 30 millions d'euros d'innovations, savoir comment motiver ses collaborateurs et, comme l'a dit le baron lui-même, « de temps à autre, un peu d'élagage ». Pardon ? Oui, il parlait des centaines de personnes qui, lors des fermetures de Hemiksem et Lanklaar, on perdu leur boulot. Élaguer pour mieux croître, telle est la poésie lyrique des managers d'aujourd'hui. Ils se débarrassent des gens comme des branches mortes dans leur sous-bois. Et, selon eux, les gens doivent l'accepter, le système économique traverse une fois encore une difficile phase de transition, vous savez. Mais tout finira par se rétablir. De son côté, Moore dit : « Avec ce système, ça n'ira plus jamais bien pour les petites gens. Si les PDG veulent une devise, que ce soit celle-ci : "On massacre la planète et à nous le gros lot". »

Le capitalisme, c'est le mal et le mal, on ne peut le réguler

Le capitalisme au pilori. En Belgique, si le PTB est à peu près le seul à le penser dans le monde politique, chez les travailleurs, ils sont nombreux à le penser. Moore renvoie à un récent sondage dans lequel 33 % des personnes interrogées disent préférer le socialisme1. Aux États-Unis ! Une enquête récente effectuée mondialement pour la chaîne de télévision britannique BBC a révélé des chiffres similaires. En France, 43 % des personnes interrogées disent qu'un autre système économique est nécessaire. Et, récemment, le lauréat du prix Nobel, l'économiste Stiglitz exprimait encore sa crainte de voir la crise économique pousser de nombreux pays du tiers monde vers le socialisme.

La jubilation du capitalisme après la chute du mur aura à peine duré vingt ans. Aujourd'hui, ce système est dans les cordes. Si notre monde veut le progrès social, il doit se débarrasser de ce système. On ne peut le réformer ni l'améliorer, ne cesse de répéter Michael Moore. « On ne peut pas réguler le mal », dit-il. Et, selon De Morgen, « ce film traite surtout du fait que ces entreprises sont même prêtes à tuer pour gagner le plus d'argent possible. C'est ça, le capitalisme. »

Malgré cela, le même journal écrivait que Moore n'attaque pas tant le capitalisme que les excroissances de ce système. En d'autres termes : le système est bon, seules ses dérives doivent disparaître.

Bien des critiques ne savent pas sur quel pied danser, avec l'anticapitalisme de Moore. Avec ce film, la pensée néolibérale en prend plein la tronche et on ne lui en sait guère gré. « Michael Moore jette le bébé avec l'eau du bain », « C'est un marxiste postmoderne »…

1. Sondage du bureau d'étude Rasmussen, http://www.tinyurl.com/ylcedqy&nbsp

Une ode à la lutte sociale

Le film (re)motive tous ceux qui s'engagent dans la lutte sociale. Résistance, unité, solidarité ne sortent pas du néant, mais sont le résultat d'un travail acharné et difficile. Aux États-Unis, les gens sont abrutis par les médias, qui ne jurent que par le monde des affaires, dit Michael Moore, et sont conditionnés par les nombreuses campagnes contre les syndicats et le socialisme. 40 % des Américains ont à peine terminé leurs études primaires.

Michael Moore ne cache pas sa profonde sympathie pour ceux qui font bouger les choses. Il montre à quel point la lutte incessante peut payer. Par exemple, l'action des habitants du quartier contre l'expulsion d'une famille : des riverains barrent l'accès de la maison à la police, qui, finalement, doit abandonner. Ou, comme l'action syndicale, avec l'occupation de l'entreprise Republic Doors & Windows, à Chicago, en décembre dernier. Autour des travailleurs, mis à la porte, la solidarité s'organise. Même un évêque catholique vient expliquer en quoi le capitalisme est en contradiction avec sa foi. Un combat difficile mais, finalement, les travailleurs obtiennent gain de cause : on leur paie leurs primes de licenciement.

La morale de Sullenberger et Salk

Michael Moore s'en prend à Wall Street et sa folie furieuse du profit : spéculer sur le décès prématuré des travailleurs et la menace de nouveaux produits toxiques.

Mais Moore montre aussi une autre morale. Celle de Chesley Sullenberger, par exemple. L'homme est devenu un héros national l'an passé quand, avec son Airbus endommagé, il a exécuté un parfait amerrissage forcé sur le fleuve Hudson, sauvant ainsi la vie ses 155 passagers. Puis, il a tenu devant une commission de la Chambre américaine des représentants un discours musclé, où il dénonce la baisse de 40 % des salaires des pilotes, poussant certains à survivre en faisant deux métiers, et explique comment on les a dépouillés de leur assurance pension.

Puis, il y a Jonas Salk, le savant qui, en 1955, a découvert le vaccin contre la polio et a toujours refusé le moindre brevet pour sa découverte d'une importance mondiale pourtant inestimable. Le bonheur des milliers d'enfants à qui il a sauvé la vie représente plus à ses yeux qu'une valise de dollars.

L'humour est une arme puissante

Michael Moore : « Je n'ai suivi que l'enseignement moyen et c'est tout. Pas d'études supérieures. Je n'ai rien lu de Karl Marx. Je devrais en avoir honte, moi qui tourne un film sur le capitalisme qui finit sur une version jazzy de l'Internationale. Ce qu'on voit à l'écran se trouve en fait très proche de moi et de la façon dont je vis et considère le monde. Ça a beaucoup à voir avec moi. Quand j'étais môme, j'étais le comique de la classe. Je faisais le clown. C'est mon côté irlandais, il faut que je fasse quelque chose de ma colère et mon humour. D'autres ont fait pareil : Lenny Bruce, Richard Pryor, Groucho Marx, Charlie Chaplin. Tous des artistes politiquement choqués par les situations sociales de leur époque. Des artistes qui ont décidé de se servir de leur humour comme d'une arme. Et si de la sorte, vous touchez les larges masses, alors, cet humour se mue en une arme incroyablement puissante. »

Et après ?

À propos de la nouvelle société qui doit succéder au capitalisme, il demeure évasif. Il veut un système démocratique, où ce ne sont plus les grandes entreprises qui contrôlent le gouvernement et le parlement. Il veut un système où les simples citoyens peuvent participer aux décisions. Il plaide pour des banques aux mains de l'État, mais reste vague sur la place de la grande industrie.

Il plaide par-ci par-là pour le modèle social de l'Europe. Qui est bien sûr un tantinet meilleur que le « modèle » américain, mais ne surestime-t-il pas l'Europe ? Est-il bien conscient qu'ici aussi, l'américanisation va de plus en plus vite ? Qu'ici aussi, le capitalisme est le même système économique qu'aux États-Unis ?

Quoi qu'il en soit, le film remet également à l'agenda le débat sur un autre système de société : « Avec son nouveau documentaire sur la crise, le débat autour de Michael Moore peut éclater dans le plus pur style Amada », écrit Knack.

Le successeur d'Amada, le PTB, a beaucoup évolué ces dernières années. Notamment à travers son 8e Congrès (mars 2008). Mais il continue à remettre en cause le capitalisme, comme le fait Michael Moore. Et il avance des pistes pour un autre système économique et politique : le socialisme.

Lire et débattre du livre Priorité de gauche de Peter Meertens et Raoul Hedebouw comme des textes du 8e Congrès du PTB peuvent être un prolongement idéal du film de Moore.

Un sac en plastique pour la taxe des millionnaires

À la fin du film, à la façon de la police, Michael Moore pose les scellés sur Wall Street : c'est le lieu du crime. Avec un sac en plastique, il va récupérer auprès des banques l'argent qu'elles ont raflé aux familles et à l'État.

La campagne du PTB pour la taxe des millionnaires participe de la même philosophie : aller chercher chez les riches l'argent pour les pensions et l'emploi. Dans le film, un homme, expulsé de sa maison, dit : « Aujourd'hui, il y a un combat entre ceux qui ont tout et ceux qui n'ont rien. » C'est exactement pareil en Belgique.

Il n'est donc pas étonnant que les spectateurs du film, sortant des cinémas, n'hésitent pas à signer pour devenir membre du fan club de la taxe des millionnnaires que le PTB a lancé l'année passée. Le journaliste Hugues Le Paige a déclaré dans une de ses chroniques sur La Première (RTBF radio) qu'avec cette taxe, le PTB « montre efficacement comment une taxation encore bien modeste de 88 000 ménages millionnaires rapporterait près de 9 milliards à l'Etat et permettrait de créer des emplois publics, de financer la sécu et de refinancer l'enseignement et la recherche. (…) Et s'il est un domaine où le politique détient encore un réel pouvoir, c'est bien celui de la fiscalité. Question de volonté et de rapport de force. »

La Belgique d'aujourd'hui n'est pas bien différente des Etats-Unis : notre pays compte proportionellement le plus de millionnaires de tous les pays de l'Union européenne. Il est un paradis fiscal pour les grosses fortunes.

Le capitalisme en Belgique, pas encore filmé, mais déjà bien décrit

La comparaison entre le film de Michael Moore et le livre Priorité de gauche du président du PTB, Peter Mertens, est moins boiteuse qu'on ne le penserait à première vue. Les deux analysent le système, les deux donnent la parole à ceux qui vivent la crise du système de près. Les deux proposent également des mesures réalisables pour atténuer le mal provoqué par la crise et, si possible, y remédier. Comme une banque publique et, dans Priorité de gauche, une réduction de la TVA sur le gaz et l'électricité.

Moore et Mertens veulent faire passer leur « message » de façon amusante et intelligente en même temps. Par le biais d'une analyse convenable, mais surtout à l'aide de récits concrets donnés par des gens concrets. De ce fait, le livre de Peter Mertens est très lisible pour tous ceux qui se demandent de quelle façon nous allons bien pouvoir survivre à cette crise et quels instruments nous allons devoir utiliser en tant que communauté.




Vous pouvez trouver Priorité de gauche · Pistes rouges pour sortie de crise. Peter Mertens et Raoul Hedebouw, ADEN, 2009, 272 p.,15 €, ainsi que les textes du 8e Congrès du PTB au PTB-shop, 171 Bd. Lemonnier à Bruxelles ou sur www.ptb.be/e-shop.




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