vendredi 9 septembre 2005

KATRINA : LA BARBARIE BUSHIENNE EN ACTION

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----- Original Message -----
From: e.colonna
Sent: Friday, September 09, 2005 10:00 AM

Subject: (Katrina)(Libération)Récit d'une rescapée de la Nlle Orleans
sur le site de la CAPJPO http://www.paixjusteauproche-orient.asso.fr/

KATRINA : LA BARBARIE BUSHIENNE EN ACTION
A lire, ci-dessous, le témoignage d’une rescapée (à titre temporaire ?) de la Nouvelle-Orléans.

Traduit en français par la journaliste de Libération Annette Lévy-Villard, ce témoignage vaut réquisitoire, sans circonstances atténuantes, contre le régime impitoyable imposé aux pauvres par la première puissance mondiale, lesquels pauvres sont majoritairement, en Louisiane en tout cas, des descendants d’esclaves Noirs. Un passage de ce témoignage mérite une attention particulière : c’est celui où la narratrice raconte comment des jeunes hommes en armes, partout ailleurs décrits comme des « pillards » ne valant même pas la corde qui les pendra, ont en réalité été à l’avant-garde des efforts pour tenter de sauver de la mort des milliers de femmes, d’enfants et d’hommes mourant littéralement de faim et de soif.
« On pensait qu’on nous avait envoyés dans ce Convention Center pour mourir »
TÉMOIGNAGE • Lisa C. Moore est membre d’une vieille famille créole de La Nouvelle Orléans • Elle raconte l’enfer qu’ont vécu les personnes réfugiées au centre de conventions de la ville après le passage de Katrina.
mardi 06 septembre 2005 (Liberation.fr - 11:38)
Traduit par Annette Lévy-Willard
Les Moore sont une vieille famille créole de La Nouvelle-Orléans. Catholiques, très nombreux, ils sont musiciens - le plus connu est Deacon John (Moore) -, professeurs, infirmiers... Leurs maisons englouties par les flots, la plupart d’entre eux ont tout perdu après le passage de l’ouragan Katrina, l. Denise Moore, éditeur (Redbonepress), a recueilli le témoignage de sa cousine, Lisa C. Moore, aujourd’hui réfugiée à Baton Rouge. Traumatisée elle n’arrive plus à en parler, ni à pleurer. Voici son récit d’une plongée en enfer.
« Jamais eu aussi peur de ma vie »
« Ma mère, qui est infirmière, était au travail dimanche soir (le 28 août), au Memorial Hospital de La Nouvelle-Orléans. Alors j’ai décidé d’y aller aussi, avec ma nièce et ma petite nièce parce que je pensais qu’à l’hôpital on serait en sécurité. Nous avons attendu plusieurs heures qu’on nous donne une chambre. Finalement on nous assigne une chambre pour dormir. A ce moment-là arrivent deux infirmières blanches et on nous vide, ma famille et moi, pour leur donner notre chambre. J’étais furieuse et j’ai alors décidé de me réfugier dans l’appartement de ma mère - qui, elle, est restée à l’hôpital - pour attendre l’ouragan. Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie : trois pièces se sont effondrées, les murs se sont pliés, on s’est protégées sous un matelas dans l’entrée. J’ai cru mourir, tuée par l’ouragan ou par une crise cardiaque. Le lendemain matin, quand l’ouragan s’est calmé, on est reparti s’abriter à l’hôpital. Mais là aussi la situation était terrifiante : il n’y avait plus d’électricité, il ne restait que des générateurs et pas de climatisation.
« L’enfer du Convention Center »
« Mardi, les digues se sont rompues et l’eau a commencé a monter. On voyait passer des bateaux dans ce qui étaient des rues. On a transporté les malades dans les étages. On nous a dit qu’on allait être évacués, que des bus allaient venir nous chercher mais qu’il nous fallait marcher jusqu’au croisement des rues Napoleon et S. Claiborne pour attendre sur le terre-plein au milieu de la route. On a attendu 3 heures et demie et les bus sont arrivés. Ils nous ont emmenés au Ernest Morial Convention Center (oui, le fameux Convention Center que vous avez vu à la télé.) Là, c’était l’enfer. Il y avait déjà des milliers de personnes, à qui on avait promis que des bus allaient venir. Les voitures de police passaient devant nous, faisaient signe par la fenêtre et continuaient leur route. Des camions de la Garde Nationale sont aussi passés, complètement vides, avec des soldats qui pointaient leurs armes sur nous. Personne ne s’est arrêté pour nous donner de l’eau. Un hélicoptère dans le ciel a balancé des bidons qui ont tous explosé en touchant le sol.
« Rendus fous par le manque d’eau et de nourriture »
On est resté deux jours, ma mère (63 ans), ma nièce (21 ans) et ma petite nièce (2 ans), et moi, sans rien à boire ou à manger, sans abri. Le premier jour (mercredi) quatre personnes sont mortes a côté de moi. Le deuxième jour (jeudi) six personnes sont mortes à côté de moi. On pensait tous qu’on nous avait envoyés dans ce Convention Center pour mourir. Et les seuls bus qui arrivaient étaient pleins. Ils déchargeaient encore plus et plus de gens mais n’emmenaient personne. Les derniers arrivants avaient été recueillis sur les toits ou dans les greniers, ils descendaient des bus en état de délire, rendus fous par le manque d’eau et de nourriture. Complètement déshydratés, ils avaient perdu l’esprit. Alors la foule essayait de les mettre à part, tous ensemble, dans un coin.
« Le sol glissant de merde »
Le Convention Center n’était en fait qu’une toilette géante. Pour faire caca il fallait avoir les pieds dans le caca des autres. Le sol était noir et glissant de merde. On préférait rester à l’extérieur du bâtiment parce que l’odeur était insupportable. Mais dehors ce n’était pas mieux. Avec la chaleur, l’humidité, la soif, les vieux et les très jeunes enfants mouraient de déshydratation. Et on ne pouvait pas s’allonger nulle part, même sur la chaussée. On a dormi sous une passerelle.
« Les hommes armés nous ont apporté de la nourriture »
Oui, il y avait des jeunes hommes avec des armes, mais ils mettaient de l’ordre. Ils sont allés piller des magasins sur Canal Street et sont revenus avec de la nourriture et de l’eau pour les vieillards et les bébés. Quand les policiers passaient en voiture, baissaient leurs fenêtres et hurlaient “Les bus arrivent !” ces jeunes hommes armés organisaient la foule, mettant les vieux devant, puis les femmes et les enfants, et enfin les hommes pour qu’il y ait des prioritaires quand les bus arriveraient. Certes, j’ai vu des bagarres, mais ces jeunes posaient leurs armes et se battaient à coup de poings pour éviter de tirer dans la foule. Quelques personnes ont cependant été tuées par balles, et on les a mises par terre, à côté des bébés morts et des vieillards.
« Tué d’une balle dans le dos par les policiers »
Et les bus continuaient de déverser des gens. On pensait que c’était pour venir mourir ici. Personne ne repartait. C’est vrai que des jeunes ont tiré sur les policiers parce qu’ils avaient peur que les flics viennent les tuer. Un jeune homme qui avait volé une voiture a été pris en chasse par les policiers. Il est rentré dans un mur, est sorti en courant de la voiture, et les flics lui ont tiré dans le dos, et l’ont tué, comme ça, devant nous tous. A un moment des groupes de gens ont décidé d’essayer de traverser le pont pour rejoindre l’autre rive. Ils sont revenus. Des policiers armés gardaient le pont et leur ont ordonné de faire demi-tour : “Vous n’avez pas le droit de quitter cet endroit”, ont-ils dit.
« Enfin on a pu s’échapper »
On était donc de plus en plus persuadés qu’on voulait nous tuer. Ma nièce a trouvé une cabine téléphonique. Elle a appelé sans cesse l’ami de sa mère à Baton Rouge. Elle a finalement réussi à l’avoir et il est venu avec mon frère. Ils ont pris une voiture de Baton Rouge et ont franchi les barrages en payant les flics ou en réussissant à les convaincre (“Ecoute, ma petite nièce de 2 ans est dans le Convention Center”) . Et ils sont pris des chemins détournés. Enfin on a pu s’échapper. Quand on est arrivé à l’appartement de mon frère à Baton Rouge et que j’ai regardé la télévision, j’étais scandalisée. On ne disait pas qu’on nous avait laissés là-bas pour mourir, que personne n’est jamais venu chercher les gens, et que ces jeunes avec des armes nous ont protégés. Et qu’ils ont été les seuls à apporter un peu d’eau et de nourriture à ces milliers de gens. »



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